RC Strasbourg : Sabryna Keller, la femme de footballeur qui déjoue les clichés

Elle n’est pas que l’épouse du président du club strasbourgeois, Marc Keller. Elle est surtout la fondatrice de l’association Femmes de foot, à l’origine de nombreuses initiatives. Rencontre avec Sabryna Keller.

 A Strasbourg, Sabryna Keller a initié la première tribune 100 % féminine.
A Strasbourg, Sabryna Keller a initié la première tribune 100 % féminine. Femmes de foot

    Epouse de l'ancien joueur international Marc Keller, aujourd'hui patron du RC Strasbourg, Sabryna Keller n'est pas une femme de président de club comme une autre. L'Alsacienne s'investit pour féminiser le football, mais aussi pour aider et faire rêver des enfants à travers son association Femmes de foot.

    Lorsque vous avez rencontré Marc, imaginiez-vous être un jour la femme du président du Racing Club de Strasbourg ?

    SABRYNA KELLER. Avec le recul, même si je ne l'imaginais pas président du Racing quand il était encore joueur, ce n'est pas si surprenant. Marc a toujours su ce qu'il avait envie de faire et s'en est donné les moyens. C'est l'évolution naturelle d'un homme qui passe de joueur à directeur sportif, directeur général (NDLR : à Monaco) et président. Lorsqu'il était joueur, je savais déjà qu'il en avait largement les compétences.

    Vous avez été la femme d'un joueur, vous êtes désormais celle d'un dirigeant. Qu'est-ce qui change ?

    C'est une vie différente, surtout à Strasbourg. C'est une vie dévouée au club. Je regarde les matchs d'une autre manière maintenant : parce qu'il est responsable de salariés, il fait vivre énormément de gens et il y a l'attente du public. Quand on est joueur, la responsabilité est diluée. Lorsqu'on est président, elle est exclusive.

    «Nous avons un rôle à jouer en Ligue 1»

    Cette responsabilité vous faisait d'ailleurs peur quand Marc vous a annoncé qu'on l'avait contacté pour prendre la présidence…

    Il y avait une appréhension. Quand on est venu le trouver pour reprendre le Racing, je lui ai dit : « J'espère que tu ne vas pas accepter ! » Ce n'était pas que je n'avais pas envie qu'il le fasse mais c'était une manière de lui dire « t'es conscient de ce qui va se passer, de ce que tu vas devenir ? ». Je savais qu'il allait y aller. C'était compliqué de dire non et à aucun moment nous ne le regrettons.

    Quel est le rôle d'une femme de président ?

    Dans un club, je pense qu'il ne faut avoir aucune fonction pour ne pas mélanger les choses. Après, un footballeur ou un président de club échange avec sa femme comme n'importe quel mari. Il a tout de même besoin de sa femme, pour son soutien. Ce n'est pas facile et les footballeurs ont souvent des femmes fortes.

    Pourtant, elles ne sont souvent que considérées comme « femme de » ?

    C'est déstabilisant d'être la « femme de » et ce n'est pas évident d'exister à côté d'un homme qui est dans la lumière. Pourtant, un footballeur a encore plus besoin de sa femme qu'un autre homme car il est exposé médiatiquement et peut être la cible de critiques. Nous sommes des femmes de l'ombre mais avec un rôle très important auprès d'eux. Il y a toujours eu l'image de la femme qui dépense l'argent de son mari et travaille peu. Je suis quelqu'un qui a du caractère et j'essaye de démontrer que c'est un cliché, qu'une femme de footballeur peut travailler comme toutes les autres ou s'investir dans de beaux projets.

    Est-ce pour cela que vous avez créé l'association Femmes de foot ?

    Ça faisait 12 ou 13 ans que je rêvais d'une visibilité des femmes dans les stades. On est là, on est présentes mais on ne nous voit pas. Les femmes de présidents, de joueurs et même les supportrices ont un rôle à jouer en Ligue 1. Je me suis d'abord lancé avec la création d'un événement. Nous l'organisons au stade de la Meinau depuis maintenant cinq ans. Cette année, il a lieu face à Nice le week-end du 28 avril. C'est une rencontre qui est dédiée aux femmes avec des animations spéciales.

    «Une manière de féminiser le football»

    Pourquoi avoir transformé un événement annuel en une association ?

    Nous sommes parvenus à remplir une tribune avec 1 000 femmes l'année dernière. Notre événement suscite une forte attente. Je me suis rendu compte qu'il y avait un réel engouement de la part des femmes. L'association est une manière d'aller plus loin encore. C'est une porte d'entrée dans un stade, une manière de féminiser le football et d'offrir un service adapté aux femmes avec par exemple un abonnement spécial.

    Nous avons même développé des espaces féminins pour tous les matchs avec le carré FDF, mais aussi une alcôve où de nombreuses femmes se retrouvent avant, pendant et après les rencontres. Ce petit espace réservé donne sur le Kop'In, la première tribune de France 100 % féminine avec 125 places assises. L'association Femmes de foot, à laquelle peuvent adhérer hommes et femmes pour 20 €, permet de pérenniser un concept d'une soirée, en y incluant également du caritatif.

    C'est-à-dire ?

    Ce qui m'intéresse aussi grâce à l'association, c'est de mettre en lumière des maladies et sensibiliser à des causes. Je suis en contact permanent avec des hôpitaux universitaires notamment pour la lutte contre le cancer du sein. Cela se symbolise surtout par des dons. En un peu moins d'un an d'existence, nous avons pu participer à hauteur de 75 000 € à des projets caritatifs. J'essaye aussi de traiter toutes les sollicitations qui touchent les enfants malades. Ça peut être une aide financière ou la volonté de faire rêver ces enfants qui ont eu un accident de vie. On a par exemple emmené des gamins voir des matchs à l'extérieur, en avion privé avec l'équipe. On leur crée des souvenirs.

    D'autres clubs vous ont-ils sollicitée pour développer Femmes de foot chez eux ?

    Pratiquement tous les clubs adverses passent dans le carré Femmes de foot et découvrent cet espace. Ça interpelle et intéresse. L'idée plaît mais concrètement aucun club ne s'en est encore inspiré. L'association est indépendante du RC Strasbourg et elle peut se développer ailleurs. Je serais fière que cela arrive.