Waldemar Kita : «A Nantes, il n'y a pas de blabla»

Président et propriétaire du FC Nantes, l'équipe surprise de ce début de saison, Waldemar Kita est un homme d'affaires qui porte sur le football, ses habitudes et son fonctionnement un regard parfois décalé. Et décapant.

Paris, vendredi. Waldemar Kita, qui dirige les laboratoires Vivacy, a repris le club du FC Nantes en 2007.
Paris, vendredi. Waldemar Kita, qui dirige les laboratoires Vivacy, a repris le club du FC Nantes en 2007. LP/YANN FOREIX

    Dans son confortable bureau des laboratoires Vivacy, l'entreprise que Waldemar Kita dirige au quotidien dans le XVIe arrondissement de Paris, la présence du FC Nantes, surprenant 3e de L 1, reste discrète. Principalement un fanion suspendu à la cheminée et un tableau résumant en images les instants passés avec Sergio Conceição, remplacé cette saison par l'entraîneur italien Claudio Ranieri. En revanche, la photo où il pose avec Lech Walesa, le héros de Solidarnosc et ancien président de la République polonaise, attire d'emblée le regard. Le dirigeant, qui a racheté le club nantais il y a dix ans, nous a reçus pendant quarante-cinq minutes vendredi.

    Comment avez-vous réussi à attirer à Nantes Claudio Ranieri, notamment champion d'Angleterre avec Leicester en 2016 ?

    WALDEMAR KITA. C'est plutôt lui qui m'a choisi que moi qui l'ai convaincu. Il avait le choix avec des clubs anglais et d'autres en France. On a discuté deux heures, je lui ai présenté notre projet. C'est le meilleur entraîneur que j'aie recruté. Il a une analyse rapide. Son intelligence est incroyable. L'expérience doit beaucoup jouer.

    Quelles sont les principales difficultés que vous ayez rencontrées au club depuis dix ans ?

    Le plus dur au début a été de découvrir un club dont l'image extérieure était supérieure à la réalité intérieure. J'ai été surpris et déçu, par exemple, par l'organisation du centre de formation, les joueurs présents dans celui-ci, l'outil de travail. Il y avait de très bons éducateurs. Mais les éducateurs ne sont pas les stratèges ni les gestionnaires. Pas un seul dirigeant n'avait anticipé le futur du club sur cinq ou dix ans. Il n'y avait aucune vision à moyen terme. J'ai été choqué par ce manque de professionnalisme. Mais quand on achète, on est enthousiaste.

    Considérez-vous désormais que le FC Nantes est une réussite ?

    Non, je n'ai rien gagné. Nantes travaille sérieusement, met des moyens. On suscite une forme de respect de l'extérieur. A Nantes, il n'y a pas de blabla.

    Quel est le plus dur : diriger des entreprises ou un club de football ?

    Le football, parce que la matière première, ce sont les hommes. Dans une entreprise, il y a aussi le produit qu'on façonne. Dans le foot, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, on n'est que sur de l'humain. Il vaut mieux gérer mille machines que dix hommes. On ne peut pas programmer un homme.

    Quel type de manageur êtes-vous ? Dans les réunions de Première Ligue, le syndicat des clubs, il paraît que vous montez vite dans les tours, que vous êtes un sanguin incontrôlable...

    Il est vrai que j'ai mes opinions, ma vision des choses. Je les partage mais parfois, quand on parle fort, les gens croient qu'on est excessif, trop chaud. J'ai une façon de m'exprimer, une voix qui porte. On me dit souvent que je suis plus italien que polonais. C'est dommage que certains me décrivent ainsi. 1. Je connais des présidents qui se taisent pendant les réunions, ça n'apporte rien. 2. Quand je m'exprime, si ça ne plaît pas, ce n'est pas grave. On n'est pas obligé d'être d'accord. 3. Pendant des réunions, j'ai vu des présidents de club qui voulaient se battre. Cela me semble plus grave que de parler fort.

    Avez-vous des amis dans le foot ?

    L'amitié, c'est un grand mot. Je vois Aulas (le président lyonnais) fréquemment, y compris en vacances. Je dîne avec Caïazzo (Saint-Etienne), Ruello (Rennes), Martel (ex-Lens), Labrune (ex-Marseille), Caillot (Reims). Ce n'est pas parce qu'on a des idées différentes qu'on ne se respecte pas.

    Pesez-vous dans le football français ?

    Je ne crois pas. Mais ce n'est pas grave. Je me bats pour des idées mais parfois elles se cognent contre un mur. Professionnellement, je me suis battu toute ma vie tout seul. Je ne souhaite pas être au conseil d'administration (CA) de la Ligue. Pour participer au CA, il faut regarder l'ensemble du football et pas seulement son club. Je ne suis pas en phase avec ça. Moi, j'ai une culture capitaliste. Je ne suis pas un président délégué incapable de prendre une décision importante. On ne parle pas le même langage.

    De quelle école êtes-vous : pour un appel d'offres des droits de retransmission de la Ligue 1 très vite — pour surfer notamment sur l'effet Neymar — ou, au contraire, pour attendre ?

    Je suis partisan d'aller vite. Si ce n'est pas maintenant, c'est en 2018. La L 1 est actuellement négligée. Or beaucoup de choses ont changé. On a beaucoup progressé en termes d'organisation, économiquement, sportivement. Il faut tirer notre chapeau à Paris, Monaco, Lyon, Marseille, tous ces clubs qui améliorent notre image. A nous de jouer pour la vendre au mieux.

    Combien vaut la L 1 ?

    1,5 Md€ au moins (contre 748,5 M€ pour la L 1 et la L 2 jusqu'en 2020).

    Robert Lewandowski (l'avant-centre polonais du Bayern Munich) a été sur vos tablettes...

    J'ai failli le prendre il y a dix ans. Il était à Lech Poznan. Il avait 20 ans, je suis allé voir l'un de ses matchs. Il a joué n o 10. J'ai adoré et j'ai dit : « Il faut l'acheter ! » Je me suis renseigné. Il valait entre 800 000 € et 1 M€. Mais quand on a su que c'était moi qui étais intéressé, on m'a demandé entre 4 et 5 M€. On était en L 2, c'était trop cher.

    S'il y a un France - Pologne à la Coupe du monde 2018, qui soutiendrez-vous ?

    Cela va peut-être surprendre mais je serai pour la France. Je suis arrivé à 15 ans en France. J'ai passé le bac ici, fait mes études ici. Ma femme est française. Allez, un bon 0-0 serait parfait.

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