VIDÉO. Comment Paris lutte contre le fléau des « vélos épaves »

BICLOU, ÉPISODE 86. Près de 3 000 vélos abandonnés sont retirés chaque année des trottoirs de la capitale. De leur abandon à leur nouvelle vie, nous avons suivi le parcours de ces épaves.

    Sur le trajet du travail ou en chemin pour aller faire ses courses, il est toujours là. Accroché à cette même barrière depuis six mois, peut-être un an. Le temps a passé, ses pneus se sont dégonflés, sa selle a disparu et sa chaîne rouillée pend mollement… Ce vélo abandonné fait partie des « vélos épaves », ou « vélos ventouses », qui hantent les rues de Paris. Ils sont des milliers chaque année à décrépir dans la capitale, accrochés aux parkings à vélos, bouches de métro et autres poteaux. Les services de la mairie en retirent environ 2 800 chaque année.

    Excédé par leur présence, Valentin est devenu expert dans l’art de les repérer. Depuis 2019, ce vélotafeur (NDLR, qui se rend de chez lui au travail à bicyclette) a pris l’habitude de les signaler à la mairie de Paris pour demander leur enlèvement. Parce qu’ils sont une gêne visuelle, qu’ils encombrent les places de stationnement dédiées aux vélos… Mais surtout pour « se distraire » quand il se promène dans la rue, « je vois ça comme une sorte de Pokémon Go, mais réel », plaisante-t-il.



    Pour faire face au problème des épaves, la mairie de Paris compte en effet sur ses citoyens, via son application « Dans Ma Rue », qui vise à « signaler des anomalies sur l’espace publique » aux autorités. C’est grâce à cet intermédiaire que Valentin signale au quotidien la présence des vélos épaves qu’il croise dans la capitale. Son fonctionnement est simple, il suffit de prendre en photo le deux-roues signalé et sa position GPS est alors instantanément partagée sur l’application. « J’ai dû en déclarer une quarantaine », affirme ce salarié dans le marketing.

    « Plus de roue, plus de chaîne… C’est une épave »

    Les signalements effectués à l’aide de « Dans Ma Rue » sont directement transmis à la Police Municipale. Chaque jour, des agents de l’unité épave effectuent des tournées de repérage des vélos répertoriés dans l’application et décident, au cas par cas, si le vélo doit être retiré, ou non, de la voie publique. « Sur ce vélo, il n’y a plus de roue, plus de chaîne, il n’y a plus rien au niveau du système de frein… C’est une épave », valide Gérard, agent de la police municipale, avant d’apposer un autocollant rouge vif floqué « Enlèvement demandé » sur un vélo usé, désossé et affalé sur le trottoir.

    Le vélo suivant n’aura pas le droit au même traitement. Même s’il paraît abandonné depuis un bon moment, aucun élément nécessaire à son fonctionnement ne manque. « Ce n’est pas une épave », déclare Gérard en rangeant ses autocollants.



    Le vélo suivant n’aura pas le droit au même traitement. Même s’il semble être abandonné depuis un bon moment, « aucun élément nécessaire à son fonctionnement » ne manque. « Ce n’est pas une épave », déclare Gérard en rangeant ses autocollants. Toujours via l’application Dans Ma Rue, il enregistre les « ventouses » qu’il a « validées » lors de sa ronde. C’est là que la Direction de la propreté et de l’eau (DPE) entre en action.

    500 à 600 vélos « réparables » sauvés de la benne

    Une fois les épaves signalées par la police municipale, c’est au tour des agents de la DPE de collecter ces cadavres. Mais uniquement ceux marqués de l’étiquette rouge « enlèvement demandé », insiste Nicolas Fievet, chef des opérations. « Une fois que vous avez la technique, ça va tout seul », poursuit Jean-Paul Cabanes, de l’antenne « Tous travaux » de la DPE. Armé de sa meuleuse, le colosse tranche les cadenas à la pelle, aussi facilement que s’il coupait du beurre. Les vieux vélocipèdes ainsi libérés sont ensuite jetés sans ménagement à l’arrière d’une camionnette, direction la déchetterie.

    Ces « ventouses » terminent leur vie à la déchetterie de la Porte des Lilas. Avant la benne, ils sont mis à la disposition du réseau RéPAR. Les associations membres de ce dispositif se relaient une à deux fois par semaine pour piocher dans un local dédié les vélos qu’ils considèrent « réparables » ou qui possèdent des pièces détachées en bon état. Chaque année, 500 à 600 vélos sont ainsi sauvés de la benne par ces associations.