«Les choses ont plus que dérapé» : dans l’Oise, ils ont tenté de récupérer leur moto volée et retrouvée sur Leboncoin

Trois habitants du Val-d’Oise ont été condamnés ce vendredi par le tribunal de Senlis. Les 7 et 8 janvier, ils sont venus jusqu’à Ercuis, dans l’Oise, pour tenter de récupérer deux motos qui leur avaient été volées. Ils ont violenté et retenu contre son gré un mineur en possession de l’une des deux machines, mais qui n’était pas l’auteur du vol.

Illustration. C'est le vol de deux motos de cross dans le Val d'Oise qui a incité trois habitants du département francilien à venir à Ercuis pour se faire justice. DR
Illustration. C'est le vol de deux motos de cross dans le Val d'Oise qui a incité trois habitants du département francilien à venir à Ercuis pour se faire justice. DR

    Jérôme G., 24 ans, l’un des trois prévenus présents ce vendredi au tribunal de Senlis, ne manque pas d’aplomb. « Heureusement que vous êtes tombés sur des personnes responsables comme nous ! », avait-il déclaré le 7 janvier dernier à la mère du jeune mineur… qu’il venait de kidnapper et de séquestrer pendant plusieurs heures. Une conversation qui s’est tenue alors qu’il ramenait sa victime à sa famille, non sans lui avoir assené deux gifles. Pas sûr que l’adolescent de 17 ans qui en a fait les frais ait autant apprécié son sens des responsabilités, qui relève plutôt d’une absence totale de discernement.

    Toute l’affaire démarre par le vol, début janvier, de deux motos de cross dans un box de Saint-Leu-la-Forêt (Val-d’Oise), appartenant à deux frères, Morgan C., 24 ans, et Grégory C. 36 ans. Peu de temps après, l’un des frères découvre avec stupeur sa moto volée en vente dans une annonce sur le site Leboncoin. Au lieu d’aviser les forces de l’ordre, les deux frères et leur ami Jérôme décident de fixer rendez-vous au vendeur de l’annonce, avec la ferme intention de récupérer leurs biens.

    «On ne savait pas sur qui on allait tomber»

    Le 7 janvier dernier, sur le lieu de rendez-vous, la place de la mairie d’Ercuis, c’est un mineur qui les attend avec une des deux motos volées. Une machine qu’il a achetée à une connaissance, avant de décider de la revendre devant l’ampleur des réparations à prévoir. Des explications que n’ont guère envie d’entendre les trois hommes qui récupèrent la moto et entendent bien reprendre aussi la deuxième dans la foulée, en questionnant de manière pressante le mineur pour savoir où elle peut bien se trouver.

    Visiblement mécontent des réponses, Jérôme G. assène deux gifles au jeune garçon. « Il n’arrêtait pas de me mentir et de me manquer de respect, j’ai mis deux petites gifles, minimise l’intéressé. On était craintifs, on ne savait pas sur qui on allait tomber, on ne voulait pas commettre de violences. » Une timidité qui ne cadre pas avec les messages échangés entre eux et d’autres personnes sur une application. « Rendez-vous ce soir et on lui défonce sa gueule de fdp ! », écrit l’un d’eux. « Il croit que je suis son ami, on va bien l’enc… ce fdp de ses morts ! », ajoute un autre au lendemain de ce premier épisode.

    Car après avoir contraint le mineur à monter dans leur camion, sous la menace d’un opinel et d’un fusil selon la victime, pour se rendre jusqu’à Cires-les-Mello où pouvait se trouver la seconde moto, le trio a finalement ramené le jeune homme à sa famille, promettant de revenir le lendemain pour venir chercher une somme de 1000 euros, correspondant aux réparations sur la première moto. « Le contact avec sa mère s’est très bien passé, elle nous a même offert à boire », souligne Grégory C.

    «On lui a mis le canon d’un fusil sur la tempe»

    L’ambiance semble moins conviviale le lendemain, lorsque le trio et au moins quatre autres individus reviennent à Ercuis pour conclure ce prétendu arrangement financier. Terrifiée, la famille du mineur se barricade dans une chambre de son logement et appelle la gendarmerie, qui vient disperser l’attroupement et libérer la famille assiégée. « On est venus plus nombreux car on pensait aller récupérer la deuxième moto », assurent les trois prévenus.

    « Les choses ont plus que dérapé, avec des violences, des armes exhibées, estime le procureur de la République de Senlis, Loïc Abrial. La victime affirme même que dans le camion, on lui a mis le canon d’un fusil sur la tempe. On ne peut pas banaliser ces faits et accepter que ces trois individus se fassent justice eux-mêmes. » Pour Me Fabienne Lacroix, avocate de Grégory et Morgan, « il ne s’agissait pas d’une expédition punitive et les déclarations de la victime ont beaucoup varié ». « Ils ont ramené le mineur chez lui et n’ont été ni agressifs ni menaçants envers sa famille », ajoute Me Émilie Rebourcet, à la défense de Jérôme G.

    Le tribunal a cependant reconnu les trois hommes coupables d’arrestation et de séquestration. Le moins actif des trois dans le périple, Morgan C., a écopé de 12 mois de prison dont neuf mois de sursis probatoire. Son frère, Grégory C., a été condamné à 12 mois dont six mois de sursis probatoire. Enfin, Jérôme G., auteur des violences, a été condamné à 15 mois de prison dont six mois de sursis probatoire. Tous trois ont interdiction d’entrer en contact avec la victime et sa famille et purgeront la partie ferme de leur condamnation en portant un bracelet électronique.