La France des «retranchés» : mon voisin est un forcené

SERIE (5/5). Quand un forcené s’enferme, c’est tout un quartier qui est bouclé. À Ercuis (Oise), la démence qui touchait Jean-Pierre lui a coûté la vie après un siège de douze heures, le 11 octobre 2019. La crise a laissé des traces, dans le paysage et dans les têtes.

A Ercuis, en octobre 2019, un retraité qui n'avait plus toute sa tête s'est retranché à son domicile avec son fusil, après la visite de gendarmes à son domicile. LP/Illustration Anne-Gaëlle Amiot
A Ercuis, en octobre 2019, un retraité qui n'avait plus toute sa tête s'est retranché à son domicile avec son fusil, après la visite de gendarmes à son domicile. LP/Illustration Anne-Gaëlle Amiot 

    Notre série sur la France des « retranchés » en 5 épisodes

    1. Le GIGN face à l’inquiétant phénomène des «retranchés»
    2. Le jour où Christelle a voulu « tout faire sauter »
    3. Le mystère du « suicide by cop »
    4. Dans la peau d’un négociateur du GIGN
    5. Mon voisin est un forcené

    A l’entrée du village d’Ercuis (Oise), entre haies et cerisiers en fleurs, des maisons aux tuiles marron dessinent le prototype du lotissement sans histoire. À y regarder de plus près, les autocollants sur les boîtes aux lettres indiquent une décontraction toute relative. Attention alarme. Attention aux chiens. « Ne pas déranger pour des conneries », lit-on rue des Merisiers. Chez Hervé et Sylvie, Havane, le chat, monte une garde tranquille devant les volets bleus, et le propriétaire ne voudrait surveiller que ses tulipes. Mais il ne peut s’empêcher de regarder, de chaque côté, chaque fois qu’il sort. « Un réflexe. »

    Pendant des années, Hervé a vécu dans la crainte d’être attaqué par Jean-Pierre, son voisin. Il passe le pouce sous son menton, lentement de gauche à droite, comme un couteau : « Il me faisait signe qu’il allait me trancher la gorge à chaque fois qu’il me voyait. Il l’a mimé avec sa lame de tondeuse une fois. Il m’insultait aussi, m’accusait d’avoir neuf cadavres dans mon jardin. Je faisais semblant de ne pas le voir. Je ne lui en voulais pas, je voyais bien qu’il était malade ! Mais j’avais la trouille, car il avait des armes à feu. »