Paris : «Montre-moi ton paillasson, je te dirai pour qui tu votes...»

Deux candidates aux législatives se sont amusées à photographier les paillassons des habitants de Paris. Un «classique de la sociologie de l’habitat». Et une manière de mobiliser les troupes pour le porte-à-porte...

«Le paillasson Tête de mort, c’est plutôt Sex, drugs and rock and roll ! On ne s’attend pas à voir un mec qui vote Fillon !», observe Jérôme Chiarodo, architecte et candidat supplant aux législatives...
«Le paillasson Tête de mort, c’est plutôt Sex, drugs and rock and roll ! On ne s’attend pas à voir un mec qui vote Fillon !», observe Jérôme Chiarodo, architecte et candidat supplant aux législatives... DR

    Montre-moi ton paillasson et je te dirai quel Parisien tu es ! Et peut-être pour qui tu pourrais voter ! A la veille des élections législatives, voila la drôle d'aventure dans laquelle se sont lancées séparément deux candidates qui ne se connaissent pas. Deux femmes, qui, tracts sous le bras, bagout au bord des lèvres et les yeux pas dans leurs poches, toquent aux portes des électeurs pour les convaincre tout en s'essuyant les pieds sur leurs paillassons qu'elles photographient...

    Les animaux : un grand classique

    L'écolo Sybille Bernard (EELV), 45 ans, qui travaille à la mairie de Paris et tente de ravir, sur les traces de Denis Baupin, embourbé dans une affaire de harcèlement sexuel, la 10e circonscription (à cheval sur les XIIIe et XIVe arrondissements), a photographié une cinquantaine de paillassons.

    Armelle Malvoisin, la macroniste dissidente, 45 ans, spécialiste du marché de l'art, qui se fraye un chemin dans la 11e circonscription (nord du XIVe et une partie du VIe arrondissements), a quant à elle endossé le costume de «présidente du jury paillasson» lors des dernières municipales ! Elle a décidé «de remettre ça» pour les législatives en vue de ses quelques 800 portes à toquer ce week-end… «Le sujet nous amusait, se souvient celle qui était alors sur la liste de NKM. On avait organisé un concours des meilleurs paillassons qu'on photographiait avec nos smartphones. C'était aussi une manière de booster les équipes sur le porte-à-porte.»

    «Le paillasson, a, certes, une fonction première de s'essuyer les pieds et de laisser la poussière de la ville», décrypte Jérôme Chiarodo, architecte DPLG qui a étudié «ce classique de la sociologie de l'habitat» en école d'archi. D'un point de vue symbolique, «c'est comme les bénitiers dans une église !», ose celui qui est aussi suppléant d'Armelle Malvoisin aux législatives. «On rentre dans un lieu sacré ou privé. On fait ses ablutions. On se fait propre !»

    Mais le paillasson marque surtout «un signe d'appropriation dans l'habitat collectif à Paris» - immeubles et grands ensembles. C'est souvent une indication de la personnalité de l'habitant.

    Il y a le «Members only», «un signal subliminal» pour tenir à distance les démarcheurs en tous genres. Le «Not you again» ou «Crime Scene Do not cross !» laissent penser à quelqu'un qui affiche son humour british. Quand à «Félin pour l'autre, c'est un couple qui dit : Regardez comme on s'aime !».

    Il y a aussi la vache. Probablement «un Parisien qui affiche ses origines paysannes ou son goût de la campagne».

    Certains paillassons donnent même aux candidats des indications politiques. «La Maison Verte, les animaux, chat (LE grand classique), tortue, éléphant, hérisson, mouton, souris, serpent ainsi que les fleurs, analyse l'écolo Sybille, on se dit "ça va le faire ! On va pouvoir discuter" !».

    Pour Jérôme Chiarodo, le «Stop aux huissiers» annonce un zeste de contestation. «On peut s'attendre à trouver derrière la porte à un homme ou une femme de gauche avec un humour caustique».

    «Le paillasson Tête de mort, c'est plutôt Sex, drugs and rock and roll ! On ne s'attend pas à voir un mec qui vote Fillon !»

    Armelle Malvoisin

    Sybille Bernard