Paris : une nouvelle étape judiciaire dans le dossier de l’amiante à Jussieu

Ce vendredi, la Cour d’appel de Paris doit se prononcer sur la suite à donner aux mises en examen, après le non-lieu général réclamé par le Parquet en mai dernier.

LP/E.S.

    Vingt ans après les premières plaintes, la justice s'apprête-t-elle à enterrer le scandale de l'amiante à la faculté de Jussieu (Ve) ? Renverra-t-elle au contraire l'Etat face à ses responsabilités, dans la foulée des mises en examen de plusieurs hauts fonctionnaires, parmi lesquels un ancien directeur général de la Santé, ou encore un responsable de la prévention du risque amiante à la Direction générale du travail (DGT), dans ce dossier pionnier de la catastrophe sanitaire de l'amiante ?

    Réponse ce vendredi matin, à la chambre de l'Instruction de la Cour d'appel de Paris, qui rendra son arrêt sur la suite à donner aux mises en examen. Lors de l'audience en mai dernier, le Parquet avait requis un non-lieu général. Pour autant, le comité anti-amiante de Jussieu, l'Association régionale de défense des victimes de l'amiante (Ardeva), et l'Association des victimes de l'amiante et autres polluants (AVA), partie civiles à l'instruction, espèrent beaucoup des arguments défendus par leur nouvel avocat, le ténor du Barreau de Lille Eric Dupond-Moretti.

    Son objectif, argumenté dans un épais mémoire de plus de 100 pages transmis cet été aux magistrats : que le scandale de la fibre poison, véritable bombe à retardement cancérigène, dont était truffée l'ancienne faculté de Jussieu, aboutisse « enfin » à un procès pénal. 160 cas de maladies professionnelles avaient été reconnus parmi les personnels de Jussieu.

    « Nous nous battrons toujours pour que ce procès ait lieu, répète le président du comité anti-amiante de Jussieu (dont le site a depuis été entièrement et longuement désamianté, NDLR). Il faut que les victimes et les proches puissent savoir pourquoi l'amiante n'a été interdit qu'en 1997, alors qu'on en connaissait les risques depuis les années 1970, et qui en est responsable. Les pouvoirs publics affirment qu'à l'époque, on ne connaissait pas les risques, mais c'est faux et c'est ce que démontre rigoureusement le mémoire de Me Dupond-Moretti ».

    Michel Parigot évoque notamment le courrier d'un responsable de la santé à son ministre, en 1981, soulignant le fait que la réglementation en vigueur ne protégeait pas des cancers provoqués par l'amiante. « Il en connaissait l'ampleur », insiste Michel Parigot, selon qui « il y a suffisamment d'éléments pour aller au procès ».

    Le doute persiste malgré tout, qui ébranle la confiance des victimes de l'amiante lancées dans cette course de fonds judiciaire depuis 1996 : « La justice peut décider d'annuler toutes les mises en examen et de prononcer un non-lieu général, pour la simple raison que c'est ce qu'il s'est passé récemment dans l'énorme dossier comparable de Condé-sur-Noireau, en Normandie » craint ouvertement Michel Parigot. Alors les victimes reprendraient la course de fond, devant la Cour de cassation.