Crise des Gilets jaunes : les débuts flous du grand débat national

Le président donne ce mardi dans l’Eure le coup d’envoi de deux mois de consultations - censées répondre à la crise des Gilets jaunes - où les Français sont invités à prendre la parole. Mais beaucoup de choses restent encore incertaines.

 Grand Bourgtheroulde, le 14 janvier. La commune de l’Eure sera mardi la première étape d’Emmanuel Macron pour le lancement du grand débat national.
Grand Bourgtheroulde, le 14 janvier. La commune de l’Eure sera mardi la première étape d’Emmanuel Macron pour le lancement du grand débat national. REUTERS/Benoit Tessier

    Pour justifier la communication très tardive du Premier ministre sur l'organisation du grand débat, Matignon a un argument tout trouvé : « On veut laisser vivre la lettre d'Emmanuel Macron. On ne veut pas parasiter la communication du président ». Alors Edouard Philippe a pris tout son temps. Ce n'est que lundi soir à 19 heures qu'il a rendu public son communiqué sur le déroulé de ce grand rendez-vous dont le coup d'envoi est officiellement donné ce mardi par le président dans l'Eure.

    Sauf que le Premier ministre, qui s'était engagé mercredi dernier à trouver un successeur à Chantal Jouanno, n'a pas tenu cette promesse. Le collège de « garants », composé de cinq membres pour remplacer la présidente de la CNDP (Commission nationale du débat public), ne sera connu que…. vendredi. Soit trois jours après le lancement du débat. Seule précision : deux de ces garants seront désignés par le gouvernement et les trois autres par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

    De quoi souligner les difficultés de l'exécutif pour dénicher ces perles rares. D'autant que la journée a commencé sur fond de cacophonie quand le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a annoncé, formel, que Nicole Notat, l'ex patronne de la CFDT et Jean-Paul Bailly, l'ex patron de la Poste, allaient être enrôlés … Avant d'être sèchement recadré par Matignon qui s'est empressé de préciser que l'ancienne syndicaliste ne figurait pas sur sa liste.

    Voilà qui ne manque pas de rajouter à l'impression générale d'improvisation. « On a une idée assez précise de qui on veut désigner », minore toutefois Matignon sans plus de précision. Bailly semble en tout cas tenir la corde. Pour le reste….

    Tous les partis dans la boucle

    Seule l'entrée en piste de deux ministres coordinateurs, Emmanuel Wargon (Transition écologique) et Sébastien Lecornu (Collectivités territoriales), a été actée. Ce qui ne va pas sans poser des questions.

    Autre nouveauté, les autres partis politiques vont être mis officiellement dans la boucle. Toutes les formations représentées au Parlement se verront proposer de participer à un comité de suivi, pour veiller « au principe de pluralisme ». Sauf que ce lundi, les dirigeants des partis concernés n'avaient pas encore été prévenus. « On en n'a jamais entendu parler », s'amuse un proche du président des Républicains Laurent Wauquiez. Avant de balancer, perfide : « On souhaite participer au débat, mais on ne sait juste pas comment ».

    Il est vrai que les modalités pratiques restent encore floues. Même les maires, censés être les chevilles ouvrières de ce débat, sont encore un peu perdus, quand ils ne traînent pas carrément des pieds, comme certains. Une réunion entre les élus locaux et Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires, n'a pas levé toutes les interrogations. « Il y a beaucoup d'improvisation, s'étonne le maire UDI de Béthune, Olivier Gacquerre. Moi, quand je conduis dans le brouillard, je ralentis. Là, ils accélèrent. C'est inquiétant ».

    Quant aux réunions publiques sur le terrain, elles ne devraient pas être pour tout de suite. « Plutôt en fin de semaine », prévoit un conseiller ministériel. Et de conclure, en riant (jaune) : « On organise ça depuis cinq jours. Tout va très bien… »