Attaque à la voiture-bélier à Sept-Sorts : devant les victimes exaspérées, David Patterson raconte son lundi 14 août 2017

Devant la cour d’assises d’appel, à Créteil, l’accusé condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuite, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans, pour l’assassinat d’Angela Jakov, 13 ans, et la tentative d’assassinat de 48 autres personnes, a raconté les heures qui ont précédé ce drame inimaginable du lundi 14 août 2017. Une journée délirante.

Sept-Sorts, 14 août 2017. David Patterson a foncé avec une BMW dans la terrasse de la pizzéria Cesena avant de finir sa course à l'intérieur du restaurant, faisant un mort et douze blessé graves. LP/Alexandre Métivier
Sept-Sorts, 14 août 2017. David Patterson a foncé avec une BMW dans la terrasse de la pizzéria Cesena avant de finir sa course à l'intérieur du restaurant, faisant un mort et douze blessé graves. LP/Alexandre Métivier

    Cinq ans après, sa fulgurance reste aussi sidérante qu’inexplicable. Jugé en appel par la cour d’assises du Val-de-Marne, l’homme aux troubles psychiatriques qui a foncé en voiture sur une pizzeria de Seine-et-Marne le lundi 14 août 2017 n’a pas su fournir ce jeudi de raison valable à son acte, abandonnant les victimes à leur incompréhension totale. Et à leur exaspération grandissante.

    Condamné en 2021 à la réclusion criminelle à perpétuité,assortie d’une peine de sûreté de 22 ans, en première instance par la cour d’assises de Seine-et-Marne, David Patterson, 37 ans, a fait appel. Il est à nouveau jugé depuis la semaine dernière au palais de justice de Créteil pour avoir lancé une grosse cylindrée en pleine accélération sur la terrasse bondée d’une pizzeria de la ZAC de la Bourgade, à Sept-Sorts, tuant une adolescente et blessant grièvement douze autres clients.

    Dans le box des accusés, l’ex-vigile, alors en arrêt de travail depuis un an et en proie à un délire de persécution, déroule dans une déclaration spontanée l’étrange engrenage de cette journée du 14 août 2017. Un lundi anodin, qui commence par une erreur du facteur se poursuit par des courses au Super U et s’achève par un carnage dans un restaurant familial.

    Toujours pas une once d’empathie envers les victimes

    Voûté, un polo blanc sur les épaules, David Patterson livre d’une traite un récit mécanique, détaché, vide d’émotion. « Le jour des faits, j’ai reçu une carte postale. Je pensais que c’était Laurence T. [NDLR : l’ex-compagne de David Patterson] qui me l’avait envoyée. J’étais très en colère. Je me suis senti en insécurité, j’ai décidé de changer les serrures de la maison. Par la suite, j’ai appelé mon père pour lui dire que Laurence m’avait envoyé une carte postale d’Allemagne. Il m’a dit : « Pas du tout David, tu délires ! ».



    Je suis allé chez Leroy Merlin. Je me sentais traqué, épié, j’étais aux aguets. J’ai été à Super U sur le trajet du retour pour faire des courses de nourriture pour la semaine. Je me sentais suivi, je marchais vite, je regardais partout. J’ai fait un grand détour pour arriver à mon domicile. J’ai changé la serrure de la maison, j’ai rangé les courses.

    En fin d’après-midi, je suis allé voir mon voisin. Je lui ai dit que je me sentais en insécurité. Il m’a dit que c’était ridicule et m’a conseillé d’installer une alarme si j’avais peur. Mais je ne faisais pas confiance aux alarmistes. »

    Le soir, « j’avais prévu de manger chez des amis à la base. Étant donné que j’avais changé de téléphone, j’avais pas reçu son message d’annulation. Du coup j’ai pris ma douche, je me suis changé pour aller chez lui. Ensuite j’ai pris mon véhicule. Sur le trajet, j’ai croisé mon dentiste. J’ai cru qu’il me suivait.

    Du coup, au lieu de prendre à gauche, j’ai pris à droite. J’étais dans un état d’angoisse intense, j’étais vraiment confus. Je me suis arrêté au feu rouge, j’ai regardé dans mon rétro si j’étais pas suivi. Ensuite je suis rentré dans la zone industrielle. Et j’ai percuté la pizzeria. » Pas un mot sur la scène sanglante qui suit. Pas une once d’empathie envers les victimes. Toujours pas…

    Une onde d’exaspération sur les bancs des parties civiles

    Conciliante plutôt qu’offensive, la présidente Isabelle Pulver essaye avec douceur d’amener l’accusé à s’épancher davantage. Elle tente de lui faire dépasser ses réponses convenues, cherche à comprendre les raisons de son geste de violence gratuite. Pourtant dans le box, c’est l’impasse.

    « J’voulais que la machination s’arrête », répète à chaque fois David Patterson, bloqué tel un disque rayé. Une onde d’exaspération court sur les bancs de la cinquantaine de parties civiles.

    L’accusé bedonnant au crâne rasé, qui a étudié attentivement le Code pénal dans sa cellule, espère obtenir en appel une peine atténuée en raison de ses troubles psychiatriques.

    En première instance l’année dernière, la cour d’assises de Seine-et-Marne avait effectivement reconnu une « altération » de son discernement au moment des faits mais l’avait condamné à la peine maximale en raison de son « exceptionnelle dangerosité ». Le verdict est attendu vendredi soir.