Vingt ans après sa légalisation, le pacs talonne le mariage

Le mariage est aujourd’hui à un niveau historiquement bas mais le pacs, dont on célèbre les 20 ans, progresse. Y aura-t-il un jour plus de pacsés que de mariés ? La question se pose.

 Avec 193 950 pacs pour 233 915 mariages en 2017, bien qu’affaibli, le mariage reste encore la norme. (Illustration)
Avec 193 950 pacs pour 233 915 mariages en 2017, bien qu’affaibli, le mariage reste encore la norme. (Illustration) LP/Julie Ménard

    Le pacte civil de solidarité, dit pacs, va-t-il un jour supplanter le mariage ? Alors que le premier fête ses 20 ans avec une croissance insolente, le second résiste à un déclin qui s'opère depuis maintenant 50 ans. Résultat : les deux courbes se rapprochent. Qui l'eût cru? C'est pourtant le constat que dresse aujourd'hui l'Institut national d'études démographiques (Ined), dans une note publiée à l'occasion de l'anniversaire du pacs, voté le 13 octobre 1999 et promulgué le 15 novembre suivant.

    Avec 193 950 pacs contre 233 915 mariages en 2017, on peut bel et bien se poser la question d'un éventuel basculement. « Cela ne semble pas impossible, même s'il convient de rester prudent. Bien qu'affaibli, le mariage reste encore la norme », tempère Wilfried Rault, sociologue à l'Ined et auteur de « l'Invention du Pacs » (Ed. Presses de Sciences-po). Premiers signes de ce déclin annoncé, Pronuptia, spécialiste de la vente des robes de mariées en France, en a déjà fait les frais. L'entreprise a été placée en liquidation judiciaire le mois dernier.

    Si dans l'ensemble de la population le mariage reste très majoritaire, puisqu'il concerne 74 % des personnes vivant en couple, ce chiffre regroupe aussi des générations plus âgées pour lesquelles le pacs n'existait pas. Comment explique-t-on un tel engouement pour ce dernier? À l'origine, il vient d'une revendication de la communauté homosexuelle qui réclamait la reconnaissance d'un statut juridique aux couples de même sexe. Toutefois, les députés socialistes Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel, à l'époque rapporteurs de la proposition de loi, ont pris soin, dès le départ, d'inclure aussi les couples de sexe différent.

    4e grande réforme de la fin du XXe siècle

    « Le pacs, c'est la quatrième grande réforme de société de la fin du XXe siècle, après la légalisation de la contraception en 1967, la légalisation de l'interruption volontaire de grossesse en 1974 et la libéralisation du divorce en 1975 », recontextualisent les deux hommes dans leur livre, « L'incroyable histoire du Pacs », écrit avec Denis Quinqueton, codirecteur de l'Observatoire LGBT + de la Fondation Jean-Jaurès (Éditions Kero).

    « J'avais 32 ans à l'arrivée du pacs. J'étais déjà avec mon compagnon, Franck, depuis 7 ans, témoigne Paul. On a oublié à quel point les débats étaient d'une violence inouïe, plus dure encore que lors du Mariage pour Tous. Nous nous sommes pacsés en 2003 car nous voulions nous protéger l'un l'autre. S'il m'arrive quelque chose, Franck peut devenir mon tuteur par exemple. »

    Associé exclusivement, à tort, à l'institutionnalisation du couple gay et lesbien, le pacs démarre doucement avant que les couples hétérosexuels ne s'en emparent. « Ils ont pris conscience progressivement des avantages du pacs, notamment à partir de 2005 lorsque son régime fiscal s'est aligné sur celui du mariage », ajoute le sociologue. Selon les dernières données, 96,2 % d'entre eux sont conclus entre personnes de sexe différent. Aujourd'hui, la principale différence entre les deux formes d'union ne porte que sur leurs effets successoraux.

    Moins cher et plus simple qu'un mariage

    « J'ai tout connu mais toujours avec le même homme, rigole Valérie, 43 ans. Avec Alain, à la sortie de nos études, nous avons vécu en union libre. Puis, nous nous sommes pacsés, sans en parler à nos proches. Le pacs ne concerne que le couple je trouve et c'est moins cher et plus simple qu'un mariage ! Puis les deux enfants sont arrivés. Alors nous nous sommes mariés. Qu'on le veuille ou non, c'est quand même la forme d'union qui met le plus à l'abri, et c'est l'occasion de faire une grande fête familiale. Le pacs est signé, le mariage célébré. En termes de symbole, ce n'est pas la même chose », juge la fonctionnaire, agent administratif dans une mairie.

    « Il y a 50 ans, le mariage représentait l'entrée dans le couple dans le but de fonder une famille. On se marie aujourd'hui plus tard, souvent après un ou deux enfants. Le mariage vient désormais parachever cette situation. Il est ainsi davantage associé à la famille alors que le pacs l'est au couple. C'est une forme d'engagement privé, célébré à deux ou en plus petit comité », explique Wilfried Rault.

    Le pacs serait donc un « mariage à l'essai » ? « Aujourd'hui, la moitié d'entre eux est rompue pour mariage. Plus que de « mariage à l'essai », je dirai, dans ce cas, que le pacs est une étape vers le mariage », précise le sociologue. Quid de l'autre moitié qui ne franchit pas l'étape de la bague au doigt ? « Elle voit dans le pacs une forme d'union alternative, plus moderne que le mariage et plus protectrice que l'union libre », ajoute-t-il. Si au début des années 2000, par rapport au mariage, le pacs concerne des personnes plus jeunes, plus diplômées et vivant plutôt en milieu urbain, cette forme d'union qui souffle ses 20 bougies se démocratise d'années en années.