Val-d’Oise : les enseignants redoutent les effets du projet de loi sur l’éducation

Dans le cadre de la grève nationale, 110 écoles étaient fermées ce mardi dans le département. Le projet de loi pour une école de la confiance soulève de nombreuses inquiétudes quant au fonctionnement et à la qualité de l’accueil dans les établissements.

 Villiers-le-Bel, ce mardi. A l’école de la Cerisaie, qui accueille plus de 300 élèves, les enseignants craignent notamment pour le bon fonctionnement de l’établissement.
Villiers-le-Bel, ce mardi. A l’école de la Cerisaie, qui accueille plus de 300 élèves, les enseignants craignent notamment pour le bon fonctionnement de l’établissement. LP/Maïram Guissé

    « Blanquer, touche pas à mon école ». La contestation nationale n'a pas épargné le Val-d'Oise, où 110 établissements avaient du personnel en grève. À Villiers-le-Bel, enseignants, parents mais aussi élèves font part de leur inquiétude. Ce mardi matin, un groupe d'écoliers de la Cerisaie lit les banderoles de protestation accrochées sur les grilles de leur école. « Il se passe quoi? », demande l'un d'eux. « Bah ils vont nous enlever la directrice », répond une camarade. « Mais ce n'est pas logique de faire ça! »

    Dans cet établissement de plus de 300 élèves, le projet de loi du ministre de l'Education n'est pas accepté. La majorité des enseignants était d'ailleurs en grève, dont la directrice, Isabelle Vivier. « Je ne pouvais pas faire autrement, insiste-t-elle, vêtue comme son équipe d'un tee-shirt avec l'inscription école en danger. C'est un projet de loi fait sans aucune concertation, qui ne prend pas en compte le bien des élèves. Ça signe la mort du service public. »

    Un seul collège dont dépendraient… neuf écoles

    L'équipe ne comprend pas les mesures annoncées. « Il est prévu la disparition du poste de directeur d'école, qui sera remplacé par un adjoint rattaché au collège de secteur, explique Isabelle Vivier. À Villiers-le-Bel par exemple, neuf écoles dépendraient du collège Martin-Luther-King. Parmi les neuf directeurs, un seul deviendra adjoint… » Fatima et Sadia s'en offusquent : « On a besoin du directeur, qui fait le lien, qui apporte de la proximité. » Puis ces mères de famille se demandent pourquoi elles ont « entendu parler des drapeaux dans les classes, mais pas de ça ».

    Autre élément de discorde, « ce projet de loi prévoit aussi que les CM1 et CM2 soient scolarisés au collège de secteur », s'inquiète Isabelle Vivier. « Cela peut mettre nos enfants en difficulté, souffle Fatima, alors qu'on est en zone prioritaire ». Les grévistes, partis rejoindre les manifestants à Paris, comptent rester mobilisés. « On veut faire de nous une petite entreprise », grognent-ils. « Ne vous inquiétez pas, on vous soutient », leur a lancé une élève.

    Quel avenir pour les écoles « atypiques » ?

    A Saint-Ouen-l'Aumône, les enseignants de l'école des Bourseaux ont gardé les portes clauses. « On a peur de perdre notre liberté pédagogique en changeant ce rapport hiérarchique », redoute une institutrice. Dans cette école dite « ouverte », toutes les décisions sont prises en concertation entre les enseignants et les parents. Même les élèves ont leur mot à dire. « Ils sont acteurs de leur scolarité et proposent des projets en conseil d'élèves », explique Lysiane.

    Saint-Ouen-l'Aumône, ce mardi. LP/Ju.M.
    Saint-Ouen-l'Aumône, ce mardi. LP/Ju.M. LP/Maïram Guissé

    Autre particularité : toutes les classes sont multi-âges. Les élèves de grande section de maternelle apprennent ainsi avec ceux de CP, les CE1 avec les CE2, etc. « On a un système de tutorat des petits par les grands, développe Aude Clabaut, la directrice. C'est l'enseignant qui s'adapte pour permettre à chacun d'aller à son rythme. Mais un nouveau directeur pourrait nous imposer de revenir à un système plus classique et ça nous inquiète beaucoup. » Alors que leur modèle d'apprentissage atypique fonctionne, il est, avec ce projet de loi, remis en question.

    À cela s'ajoute le manque de concertation et d'information qui laisse un sentiment de « mépris » et de « démotivation ». « On ne travaille pas forcément pour l'argent mais pour un projet pédagogique en lequel on croit, résume Matthias, professeur des Bourseaux. Si demain on venait nous dire qu'on ne peut plus fonctionner comme ça, je ne m'investirais pas autant. »

    Cécile Rilhac.LP/A.C.
    Cécile Rilhac.LP/A.C. LP/Maïram Guissé

    « IL N'A JAMAIS ETE QUESTION DE SUPPRIMER LE STATUT DE DIRECTEUR D'ECOLE »

    Cécile Rilhac, députée (LREM) de la 3e circonscription.

    Ce mardi matin, elle a rencontré des enseignants grévistes. Et « [elle a] malheureusement une nouvelle fois entendu que la loi supprimait les directeurs d'école ». « Il n'en jamais été question ! », se défend la député (LREM) de la 3e circonscription Cécile Rilhac.

    Pour l'ancienne principale adjointe dans un collège de Pierrefitte (Seine-Saint-Denis), le quiproquo est né « d'un article qui rend possible la création d'un nouveau type d'établissement scolaire : les établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF). Ces établissements garderont un référent qui travaillera avec le ou les directeurs adjoints au principal du collège. Des établissements en Réseau d'éducation prioritaire (REP) pourront en bénéficier mais ce point a d'abord été imaginé pour les établissements ruraux. C'est un point particulier qui répond à une logique de territoire et nécessite une convention entre l'inspection académique départementale et les collectivités territoriales. Chaque territoire aura la main. Et ces EPSF ne seront pas créés du jour au lendemain. »

    A la tête d'une mission parlementaire sur les directeurs d'école avec la députée (LR) de l'Aube Valérie Bazin-Malgras, Cécile Rilhac continue de militer pour la création d'un statut pour les directeurs d'école : « Cette question n'est pas réglée. Il doit y avoir une concertation au ministère. »