Municipales à Paris : pollution, Airbnb… on a fact-checké le grand débat des candidats

Les sept principaux candidats à la mairie de Paris ont débattu pendant plus de trois heures mercredi soir sur LCI. On a relevé les approximations.

    Trois heures et quart de débats, parfois tendus. Les sept principaux candidats à la mairie de Paris ne se sont rien épargné sur le fond lors de leurs échanges ce mercredi soir sur LCI. Logement, sécurité, transports et pollution… tout a été abordé. Beaucoup de fond et des arguments chiffrés mais dans lequel se sont glissées certaines approximations et même des erreurs. Le Parisien les a recensées.

    « La pollution a baissé de 30 % depuis 2001 »

    Anne Hidalgo

    C'est plus compliqué

    À en croire la maire de Paris, la qualité de l'air s'est nettement améliorée depuis l'élection du socialiste Bertrand Delanoë en 2001. Selon les données d'AirParif, l'organisme compétent pour analyser la pollution de l'air en Ile-de-France, la concentration de trois des quatre polluants a bien baissé d'environ un tiers en quatorze ans. Pour le dioxyde d'azote, par exemple, on est passé de 46 µg/m3 sur la tranche 2002-2004 à 34 µg/m3 en 2016-2018.

    Sauf que, et Anne Hidalgo ne le dit pas, la concentration en ozone a augmenté sur la même période, passant de 37 µg/m3 en 2002-2004 à 40 µg/m3 en 2016-2018 en Ile-de-France. Et « les mêmes tendances sur trois ans valent pour Paris et pour l'ensemble de l'Ile-de-France », nous indiquait début février Pierre Pernot, ingénieur à AirParif.

    À la décharge d'Anne Hidalgo, cette hausse n'est pas seulement due à son action, ou son inaction. En effet, la concentration en ozone « augmente partout dans l'hémisphère Nord, car le climat est plus doux », note l'expert d'Airparif.

    « Le nombre de voitures a baissé, le nombre d'embouteillages a augmenté dans le même temps »

    Cédric Villani

    Vrai

    C'est l'un des angles d'attaque favoris des adversaires d'Anne Hidalgo : la dégradation de la circulation dans Paris. Et le candidat LREM dissident a plutôt raison. La circulation automobile dans Paris intra-muros, définie comme le nombre de véhicules par rapport à celui des kilomètres parcourus, a baissé de 5 % entre 2017 et 2018, selon l'observatoire des déplacements. En revanche, il est stable sur le périphérique. Entre 2002 et 2017, le trafic dans Paris avait déjà baissé de 34 %. Et la tendance se poursuit en 2019, même si les chiffres précis ne sont pas encore publics.

    VIDÉO. Voitures, pollution : Hidalgo accusée de faire de «l'écologie punitive»

    D'un autre côté, le niveau de bouchons a augmenté l'an dernier, passant de 36 % à 39 % selon l'opérateur de GPS TomTom. C'est-à-dire que le temps moyen perdu dans les bouchons était équivalent à 39 % du temps de trajet lorsque la circulation est fluide. Interrogée début février, l'équipe d'Anne Hidalgo reconnaissait cette hausse. Mais elle se réjouissait de la 42e place obtenue par Paris au classement mondial des villes les plus embouteillées (et au 19e rang européen).

    « La gauche se gargarise de mixité mais vous créez des ghettos »

    Rachida Dati

    C'est compliqué

    C'est l'un des principaux axes d'attaque de la candidate LR sur le bilan d'Anne Hidalgo depuis le début de la campagne. Elle accuse la maire sortante d'avoir mis à mal la mixité sociale à Paris en concentrant les HLM dans certains quartiers. Il est avéré que le parc de logement social à Paris est inéquitablement réparti sur le territoire municipal. Le VIIe arrondissement de Rachida Dati ne comptait ainsi que 603 logements sociaux en 2018, contre 36 000 pour le XIXe. « C'est sûr que le VIIe n'est pas un ghetto de logements sociaux », a ainsi rétorqué Anne Hidalgo.

    Malgré des efforts qu'elle met en avant, la mairie de Paris peine à en créer de nouveaux. Si bien que les arrondissements périphériques accumulent encore le plus grand nombre de créations de logements au cours du dernier mandat. Autant de difficultés qui ne lui permettent pas à ce jour d'atteindre les objectifs de la loi égalité et citoyenneté, censée accroître le nombre de familles pauvres dans les quartiers aisés.

    « Vous n'avez que 29 personnes à la mairie pour contrôler Airbnb »

    Agnès Buzyn

    Vrai

    C'est l'un des petits moments de tension qui ont émaillé ce premier débat. À l'inverse de ses principaux opposants, Agnès Buzyn refuse de réduire le nombre de nuitées d'un logement principal pouvant être mises en location via les plateformes de location touristique comme Airbnb. Pour elle, la pratique est inefficace. Et si certains s'amusent à enfreindre les règles, la candidate appelle à accroître le nombre d'agents chargés d'opérer les contrôles.

    Ils étaient bel et bien 29 jusqu'à récemment. Et ils sont « 35 depuis fin 2019 », assure la mairie. David Belliard propose de monter à 100 agents. Car pour ce qui est du nombre de nuitées, le futur maire de Paris n'y pourra rien. Seule une loi permettrait de rendre plus sévère le dispositif en vigueur.

    « Nous proposerons un référendum pour l'annulation de l'organisation des Jeux olympiques »

    Danielle Simonnet

    Très compliqué

    La candidate investie par La France insoumise est la seule à afficher une opposition ferme à la tenue des Jeux olympiques en France en 2024. Voici pourquoi, avec son colistier Vikash Dhorasoo, elle propose un référendum pour que les Parisiens puissent donner leur avis sur le sujet. La candidate évoque un « déni démocratique complet » dans la candidature parisienne.

    Il est techniquement possible d'annuler des Jeux olympiques. Reste que depuis que les JO de Denver ont été annulés après une consultation publique – et qui ne portait que sur des considérations financières –, le CIO a pris soin d'instaurer d'énormes barrières juridiques pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise. Surtout, l'annulation des Jeux olympiques coûterait également très cher et porterait atteinte à l'image de la France à l'international.

    « La moitié de la ville a un ramassage des ordures privé, l'autre public »

    Agnès Buzyn

    Vrai

    Dans la moitié des arrondissements (2e, 5e, 6e, 8e, 9e, 12e, 14e, 16e, 17e, et 20e), le ramassage des ordures est géré par la Ville. Les éboueurs ont donc le statut d'agents municipaux. L'autre moitié est confiée à des entreprises privées, qui sont quatre à se répartir ce marché de la collecte des déchets : Urbaser, Pizzorno, Veolia et Derichebourg.

    Au total, 2 784 éboueurs sont chargés de la collecte des déchets produits sur l'ensemble de la capitale, selon le dernier rapport annuel de la mairie de Paris portant sur l'année 2017. Les deux tiers sont des employés de la Ville, les autres travaillent pour le privé. Selon les arrondissements, le ramassage des ordures a lieu « pour moitié le matin, entre 6 heures et 12 heures, et pour moitié le soir, entre 17 heures et 23 heures », indique la mairie de Paris.

    « La vitesse des bus a diminué de moitié »

    Agnès Buzyn

    Faux

    La candidate LREM a ressorti ce qu'elle avait déjà avancé jeudi 27 février sur RTL : la vitesse moyenne des bus dans Paris aurait « diminué par deux en six ans ». Cette affirmation est très exagérée. Selon un document de l'Union des Transports Publics et ferroviaires, « en 2018, la vitesse commerciale des bus à Paris a chuté à 8 km/h en heures de pointe sur des lignes majeures du réseau, contre 16,9 km/h en moyenne en 2016 ». Sauf que cette baisse de moitié ne concerne qu'une petite partie du réseau et aux heures de pointe.

    De façon plus globale, Ile-de-France Mobilités assure que « la vitesse commerciale moyenne des bus [dans Paris] a baissé d'environ 1 km/h entre 2015 et 2018, passant de 9 à 8 km/h ». Les associations d'usagers s'étonnent aussi de l'évolution avancée par Agnès Buzyn, la jugeant disproportionnée.

    « Il y a une publicité qui a été faite, « refugees welcome » en anglais, en arabe et accessoirement en Français qui disait en 2015 aux [migrants] de venir. »

    Serge Federbusch

    C'est une position idéologique

    Anne Hidalgo serait-elle à elle seule responsable de l'afflux de migrants dans la capitale ? Le candidat FN assure que c'est le cas, et accuse la maire sortante d'avoir mis en œuvre une campagne publicitaire pour inciter les migrants à venir dans la capitale. Le candidat a ensuite assuré être en mesure de montrer en plateau cette publicité, ce qu'il ne fera finalement pas.

    Sans doute fait-il référence, non pas à une « publicité » mais à un tweet publié en septembre 2015 par la maire sortante, après l'arrivée de 36 réfugiés syriens et irakiens dans un centre d'hébergement de la capitale. Ils arrivaient d'Allemagne. Ce message était effectivement rédigé dans les trois langues, pour souhaiter la bienvenue à ces nouveaux arrivants pris en charge.

    Les camps de migrants existaient déjà avant ce tweet de la maire de Paris. En juin 2015, trois mois avant le tweet, 29 camps avaient déjà été démantelés. En 2016, la mairie de Paris publiait un guide d'accueil des réfugiés. Là encore, la couverture comportait un message rédigé en Français, en anglais et en arabe. Mais tout le contenu était rédigé en Français. Et il n'était destiné qu'aux professionnels.