Le numérique au secours de l’agriculture

Alors que s’ouvre ce samedi 25 février le Salon de l’agriculture, la France présente un écosystème numérique agricole parmi les plus dynamiques et les plus variés. Un moyen de faciliter la transition écologique, à condition de répondre avant tout aux besoins des exploitants.

Tracteurs autonomes, utilisation du GPS dans les champs, traitements robotisés… Les nouveautés techniques ne manquent pas dans l’agriculture. LivingImages
Tracteurs autonomes, utilisation du GPS dans les champs, traitements robotisés… Les nouveautés techniques ne manquent pas dans l’agriculture. LivingImages

    Notre dossier spécial Salon de l’agriculture

    D’abord un chiffre. Encore un. Mais quand on parle technologie, cela s’impose. Le pavillon réservé à l’agritech, la technologie dans l’agriculture, occupe cette année 900 m2 dans le pavillon 4 de Paris Expo Porte de Versailles (du 25 février au 5 mars). C’était à peine 90 m2 il y a quelques années. Désormais la digitalisation a pris toute sa place. « Il ne s’agit pas d’un secteur carte postale, coupe Valérie Le Roy, directrice de l’événement. Il est ancré dans la réalité. Dans notre vie quotidienne on est tous amenés à se servir des nouvelles technologies, ce n’est pas différent dans l’agriculture. »

    Les domaines d’intervention sont larges et recouvrent la data, la robotique agricole, les intrants bios, les places de marché et les insectes avec une volonté de participer et faciliter la transition écologique. Florian Breton, fondateur de la start-up MiiMOSA, n’hésite pas à parler avec « la connaissance et les datas de 3e révolution agricole après la machine et la chimie ». Pour celui qui est également cofondateur de la Ferme digitale qui regroupe les entreprises innovantes du secteur, l’agriculteur du futur sera aussi « un soldat du climat qui va séquestrer du carbone et produira de la biodiversité et des énergies. La tech participe à cette transition vers l’agriculture de précision avec des capteurs et des données, c’est de l’agriculture intensive… en connaissances. »

    La France en pointe

    L’écosystème tricolore de l’agritech et de la foodtech rassemble 600 start-up sur un total de 22 000 jeunes pousses tous secteurs confondus « allant de la recherche fondamentale à des market places », indique Clara Chappaz, à la tête de la Mission French Tech. « Ce qui fait de l’Hexagone, où l’agriculture fait partie de notre histoire, un des pays les plus dynamiques en la matière, se félicite-t-elle. 70 % se situent en dehors de l’Île-de-France et représentent 60 000 emplois indirects. »

    Les levées de fonds qui constituent le nerf de la guerre pour permettre aux jeunes entreprises de tenir leurs promesses et surtout d’atteindre une taille critique face à la concurrence ne cessent d’augmenter, alors qu’elles « baissent dans la foodtech à l’échelle mondiale ou européenne », relève Matthieu Vincent, fondateur de DigitalFoodLab. En 2022, plus de 490 millions d’euros ont été levés contre 37 millions il y a cinq ans.

    Déjà des pépites

    « Les locomotives s’appellent Ynsect, InnovaFeed ou Lisaqua », détaille Clara Chappaz. Les deux premières proposent un concept de ferme verticale. Ynsect produit des protéines et engrais naturels d’insectes quand InnovaFeed commercialise des ingrédients dérivés d’insectes pour la nutrition animale. On ne parle pas encore de licornes pour ces deux pépites issues de la recherche mais les projets de développement à l’étranger indiquent qu’elles occupent un créneau porteur de croissance.

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    « Quant à Lisaqua, elle a développé une technique brevetée zéro impact et en circuit fermé pour élever des gambas fraîches et locales », souligne la patronne de la Mission French Tech. Un dernier exemple montre l’étendue des services rendus par l’agritech avec Agriconomie.com qui fonctionne comme une place de marché classique mais uniquement pour y dénicher du matériel et des produits destinés à l’agriculture.

    Une image de modernité

    Tracteurs autonomes, utilisation du GPS pour les travaux dans les champs, traitements robotisés, les nouveautés techniques ne manquent pas dans l’agriculture. Selon Henri Bies-Péré, vice-président de la FNSEA en charge de l’innovation, « tous les renouvellements d’équipements et les installations de jeunes agriculteurs incluent les nouvelles technologies car les prix ont bien baissé, notamment le coût de la cartographie et de la data ». Un gros tiers du parc des engins agricoles est connecté, selon ce producteur laitier dans les Pyrénées-Atlantiques qui a vu naître l’agritech il y a sept ans.

    L’irruption de la technologie a l’avantage de conférer à l’agriculture une image de modernité. « Elle contribue aussi, comme l’a reconnu Valérie Le Roy, à faire naître des vocations en attirant les plus jeunes » férus d’avancées techniques. Un bon moyen d’attirer à elle les recrues dont le monde agricole a cruellement besoin.

    Gare à l’hyperconnectivité

    Mais attention au revers de la médaille. Une équipe de cinq chercheurs de l’école EM Normandie de Caen (Calvados), en partenariat avec la région, vient de publier une étude intitulée « L’agriculture, maillon faible de la digitalisation ? » et portant sur 213 exploitations de moins de 10 salariés. « Cette dernière est présente mais à chaque fois dans une moindre mesure par rapport à d’autres secteurs économiques, corrige une des autrices, Christine Fournès. Cela va à l’encontre d’une idée reçue relayée par les discours officiels. » Une seule exception à ce constat : les outils de gestion ou de pilotage d’une exploitation dont les paysans sont tous dotés. Selon l’étude, l’élevage présente le plus faible taux d’équipement digital, à l’exception des robots de traite.

    Les chercheurs expliquent ce retard relatif par l’offre pléthorique. « Entre les outils proposés par les start-up, les équipementiers, les prestataires, les coopératives… l’agriculteur ne sait pas lesquels choisir. » Le résultat est sans appel : une absence de maîtrise des outils qui, par ailleurs, ne communiquent pas entre eux, au point « de complexifier les tâches de son utilisateur alors que la digitalisation était supposée les simplifier ».

    La solution pour retrouver de la sérénité passerait selon eux par le placement de l’agriculteur au cœur du dispositif en se basant sur ses besoins pour que la digitalisation ne lui échappe pas. « Un éleveur de vaches aura par exemple besoin d’un capteur permettant de détecter à distance quand une génisse est en chaleur, détaille Christine Fournès. Cela lui évitera de se lever toutes les nuits pour prendre la température. »

    La Ferme digitale a pris ses quartiers dans le Hall 4 (allée D069)

    La moitié de ses 120 adhérents qui représentent les acteurs les plus dynamiques et innovants seront sur le stand pour présenter leurs activités. Parmi eux, une vingtaine participeront au salon pour la première fois. Outre les incontournables Ynsect et InnovaFeed, vous pourrez découvrir Jungle, véritable ferme verticale capable de produire à l’échelle industrielle des plantes et des fleurs zéro pesticide pour l’alimentaire ou l’industrie cosmétique.

    Vous serez sans doute interloqués par le concept de Toopi Organics, qui récolte et transforme l’urine humaine en engrais organique. Un moyen de résoudre à la fois le problème des intrants chimiques et celui de la gestion de l’eau. Enfin le consortium Airbus présentera son outil pour cartographier les exploitations agricoles.